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Pour bien saisir la nature précise de leur intervention, nous devons d’abord insister sur le fait qu’elles sont très étroitement associées à l’archétype incarné par Jupiter. Or cette planète évoque traditionnellement l’abondance et la richesse dont bénéficie celui qui a su s’ouvrir avec confiance à la vie et participer aux ressources prodigieuses qui se trouvent dans les replis intérieurs de la matière.
C’est sans doute pourquoi les anciens désignaient Jupiter comme étant « le grand bénéfique ». Nous pouvons donc en déduire que les Dominations favoriseront le développement d’une capacité à faire l’expérience de l’abondance et de la joie à travers les ressources que recèlent les divers plans de la création.
Pour mieux encore approcher l’enjeu de ce chœur angélique, il est également fort intéressant de considérer le nom hébreu employé par les kabbalistes pour le désigner. En effet, il s’agit du mot hashmalim, la forme plurielle du terme hashmal (CheTh–ShIN–MeM–LaMeD) qui évoque une formidable puissance lumineuse. En hébreu moderne, ce mot désigne d’ailleurs « l’électricité » (prononcé hashemél, il signifie « électriser »). Dans les textes bibliques, Ézéchiel l’emploie, quant à lui, dans la description qu’il donne de sa vision:
« Et je vis comme un « hashmal« , comme une sorte de feu entouré d’un réceptacle… ».
– Ézéchiel I, 27 (version bible hébraïque).
Associé à l’électricité, ce terme évoque évidemment l’éclair (qui désigne la manifestation lumineuse accompagnant les décharges d’électricité atmosphérique) ou encore la foudre (qui désigne l’ensemble de l’éclair et du tonnerre ou une décharge qui atteint le sol). Or il est remarquable de souligner, d’un point de vue strictement scientifique, que
« si l’électricité atmosphérique peut constituer un danger, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est un élément vital pour la terre. La foudre, productrice d’oxyde d’azote, enrichit le sol en azote. L’ionosphère (haute couche atmosphérique chargée d’électricité) nous protège d’autre part car la vie ne serait pas possible sur terre sans cette couche électrisée. En effet, elle absorbe une importante partie du rayonnement ultra-violet solaire, mortel pour une cellule vivante qui en reçoit une trop forte quantité. ».
– Le Livre des Connaissances, Encyclopédie universelle, tome V, Éditions Grolier, Paris-Montréal, 1973.
Il semblerait d’ailleurs que les traditions antiques aient également prêté à l’éclair et à la foudre des vertus fertilisantes. Ainsi,
« l’éclair y est comparé à l’émission du sperme, il symbolise l’acte viril de Dieu dans la création. La mythologie des aborigènes est plus explicite encore en affirmant que l’éclair est un pénis grandissant. Selon un mythe atji-raranga Mitjina étudié par Géza Róheim, éclair et rhombe sont l’érection du pénis du fils qui sera tué par le père-tonnerre. C’est dans un sens identique que le psaume XXIX (verset 3) parle de la « voix de Dieu qui fait vêler les génisses. » ».–
3- Chevalier, Jean, Gheerbrant, Alain, Dictionnaire des Symboles, op. cit.
Plus encore, le fait que l’éclair annonce la pluie bienfaisante renforce également son expression fécondante. Pensons à cette invocation taoïste très explicite :
« De même que la foudre, élément puissant et irrésistible, fend le sein de la nue pour la changer en eau, qu’ainsi elle ouvre le sein de cette femme enceinte et procure de suite l’accouchement. ».
– Cité par Granet in Hentze, G., Mythes et symboles lunaires, Anvers, 1932.
À travers les images de l’éclair et de la foudre, nous retrouvons donc bien la notion de puissance féconde étroitement associée au chœur des Dominations.
D’autre part, il est intéressant de constater qu’à partir des lettres constituant le terme hébreu hashmal, nous pouvons former le mot halam (CheTh–MeM–LaMeD) signifiant « fortifier », « revigorer » ou « être en bonne santé ». Quant à la lettre restante, la lettre ShIN (issue d’un ancien idéogramme représentant des dents), elle incarne un processus de destruction des cristallisations égoïques nous empêchant d’accéder aux prodigieuses ressources que son Créateur lui offre. Dès lors, nous pouvons en déduire que les Dominations nous amènent à nous affranchir du cercle clos de notre ego (processus évoqué par le ShIN ) pour nous ouvrir aux ressources prodigieuses que Dieu met à notre disposition (ce que suggère le mot halam). C’est une conclusion qui rappelle de manière étonnante l’image de la foudre qui fend le nuage pour en libérer la pluie bienfaisante.
Dans la même perspective, les trois lettres composant ce mot (CheTh–MeM–LaMeD) forment également le radical (LaMeD–CheTh–MeM) qui, prononcé laham (laram), signifie « manger » ou « se nourrir » et qui, prononcé léhèm (lérem), désigne le « pain » et, plus largement encore, la « nourriture » ou la « subsistance ». Mis en rapport avec la lettre ShIN , nous arrivons à une conclusion similaire à celle évoquée précédemment, à savoir que les Dominations nous aident à nous ouvrir avec confiance à la vie pour participer aux ressources prodigieuses qu’elle recèle, faisant ainsi l’expérience de la richesse, de l’abondance, de la plénitude et de la joie (ne craignant plus pour notre survie).