L’ALCHIMIE PLANÉTAIRE

 Rappelons tout d’abord que l’astrologie traditionnelle ne s’intéresse pas, à la manière de l’astronomie moderne, aux caractéristiques purement extérieures des planètes. En effet, les astrologues ont toujours considéré les planètes physiques comme étant l’incarnation d’une force spirituelle. Aussi, l’astrologie a toujours été pour les anciens une discipline essentiellement spirituelle et sacerdotale où chaque planète était perçue comme le support matériel d’une force divine. Ainsi donc, l’astrologie était bel et bien une hiérophanie, c’est-à-dire une révélation du sacré.

    A ce titre, les Babyloniens concevaient déjà fort bien l’existence d’entités spirituelles incarnées dans les astres comme en témoigne le code du souverain Hammourabi (1700 avant l’ère chrétienne). Ces forces spirituelles étaient alors considérées comme des déesses ou des dieux. Ainsi, le dieu Sin, « le fruit qui se dévore lui-même » se manifestait à travers la Lune. Cette divinité régnait alors sur la végétation et régissait les cycles de la vie. Nabu, le dieu des sciences, se manifestait, quant à lui, à travers Mercure et révélait aux hommes une connaissance à la fois abstraite et pratique. A travers Vénus s’incarnait la déesse Ishtar. Fille du dieu Sin, elle avait pour tâche d’éveiller en l’homme l’amour sensuel. Le dieu Shamash, fils de Sin, se manifestait, quant à lui, à travers le Soleil. Prodiguant la vie, il était aussi le dieu de la justice et de la divination (il était censé voir et entendre tout).

    A travers la planète Mars se manifestait le dieu Nergal, dieu des enfers. Il semait la discorde et le malheur. Fils d’Enlil, Nergal était également le dieu de la vengeance. A travers la planète Jupiter se manifestait le créateur Mardouk, fils de Ea, l’immensité de la mer. Protecteur de Babylone, il fut particulièrement vénéré par les prêtres et porté au rang de grand dieu. Enfin, le dieu Ninurta s’incarnait à travers Saturne. Perçue comme un vieux Soleil fatigué, cette planète incarnait la justice, la stabilité et l’ordre établi.

Dieux babyloniens      Planètes
Sin Lune
NabuMercure
IshtarVénus
Shamash Soleil
Nergal Mars
MardoukJupiter
  NinurtaSaturne

    De même, l’Egypte antique associa des divinités caractéristiques aux planètes et aux luminaires.

  • Ainsi, la déesse Isis, « la mère de toute chose » était associée à la Lune. Cette divinité incarnait le principe féminin, les forces de la transformation et celles de la fécondité.
  • Thot, « le cœur qui pense » était, quant à lui, associé à Mercure. Il était le dieu de la sagesse et l’inventeur de l’écriture hiéroglyphique.
  • Hathor « la demeure d’Horus » était, pour sa part, associée à Vénus. Elle conférait sept vertus aux enfants nouveau-nés.
  • Associé au Soleil, le dieu Osiris, frère et époux d’Isis, était « roi d’éternité, dieu des dieux, prince des princes, gouverneur du monde ».
  • A travers la planète Mars se manifestait également la déesse Sekhmet, déesse de la guerre mais aussi de la guérison.
  • Le dieu Ptah, dieu des potiers, était quant à lui associé à la planète Jupiter.
  • Enfin, Anubis, fils d’Osiris et d’Isis, était directement relié à Saturne. Ce dieu présidait du reste les rites funéraires et surveillait les opérations de la psychostasie (la pesée des âmes).

Dieux égyptiens  Planètes
Isis Lune
Thot  Mercure
HathorVénus
Osiris   Soleil
Sekhmet   Mars
Ptah Jupiter
  Anubis  Saturne

    Citons également la Grèce antique qui perçut, elle aussi, les forces spirituelles associées aux planètes et aux luminaires sous la forme de divinités. Ayant déjà développé succinctement les correspondances des planètes avec les dieux grecs au menu « généralités des mythes », nous mentionnons uniquement le tableau des correspondances.

Dieux grecs  Planètes
ArtémisLune
Hermès Mercure
AphroditeVénus
Apollon Soleil
Arès Mars
Zeus  Jupiter
CronosSaturne
OuranosUranus
PoséidonNeptune
HadèsPluton

                     Enfin, la tradition kabbalistique associe également à chaque planète un messager divin ou Archange Recteur d’Ordre.

  • Ainsi, l’Archange Gabriel dont le nom signifie « homme de Dieu » est associé à la Lune et il préside notamment les naissances.
  • L’Archange Raphaël dont le nom signifie « médecin de Dieu » est l’esprit de Mercure et il guide les hommes en leur infusant la connaissance.
  • L’Archange Haniel dont le nom signifie « Grâce de Dieu » est l’esprit de Vénus et il inspire l’amour dans les cœurs humains.
  • L’Archange Mikaël dont le nom signifie « Qui est semblable à Dieu ? » est l’esprit du Soleil et il régit les relations d’autorité.
  • L’Archange Samaël dont le nom signifie « punition de Dieu » est l’esprit de Mars et il régit l’ascèse et toutes les œuvres de purification.
  • L’Archange Tsadkiel dont le nom signifie « justice de Dieu » est l’esprit de Jupiter et il régit les richesses et l’abondance.
  • Enfin, l’Archange Zaphkiel dont le nom signifie « contemplation de Dieu » est l’esprit de Saturne et il régit le destin.
Archanges-Recteurs Planètes
Gabriel  Lune
Raphaël Mercure
HanielVénus
Mikael Soleil
SamaëlMars
TsadkielJupiter
ZaphkielSaturne
RazielUranus

    Nous voyons donc que les planètes ont été traditionnellement considérées comme l’incarnation ou la manifestation d’une force spirituelle. Mais plus encore, les hermétistes, en harmonie avec la tradition des anciens, affirment en outre que les planètes sont en réalité une projection extérieure des dispositions et des facultés spirituelles que recèle la nature humaine. Ainsi, conformément à l’adage bien connu de la Table d’Emeraude, « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose. ».1

    De même Hermès Trismégiste rapporte dans un texte de Stobée :

« Il y a en nous : la Lune, Mars, Jupiter, Vénus, Saturne, Mercure et le Soleil. C’est pourquoi la part d’éther qui est en nous attire les pleurs, les rires, la colère, la pensée, la vie, le sommeil, le désir. Saturne nous donne les rêves, Jupiter la vie, Mercure le jugement, Mars la colère, Séléné le sommeil et Vénus le désir ; du Soleil vient le rire, il est donc juste que toute pensée humaine et l’univers infini lui sourient. ».

    Paracelse affirmera également que

« ce n’est pas le Saturne qui est au-dessus de nous mais le Saturne en nous qui nous tourmente. » et sainte Hildegarde de Bingen écrira : « L’homme porte en lui le ciel et la terre. »,

réfutant ainsi l’horoscopie mais considérant l’astrologie comme licite et utile. Ce qui fut généralement l’opinion de l’Eglise catholique.

    Conscient dès lors que le ciel étoilé n’est qu’une projection extérieure de la nature humaine, il apparaît que toutes les mythologies propres aux dieux planétaires sont en fait autant de dramatisations et de mises en scène extérieures d’un processus de développement intérieur. En d’autres termes, elles sont des « expressions symboliques du drame intime de l’âme » pour reprendre les mots de Jung.

1 – Le texte latin de la Table d’Emeraude n’est connu en occident que depuis saint Albert le Grand (1193-1280), ce qui donna à penser à des historiens du début du siècle, qu’Albert le Grand en était l’auteur. Mais à partir de 1923, une nouvelle découverte révéla que la Table d’Emeraude était plus ancienne que ne le prétendaient ces historiens. En effet, un texte en arabe, lui-même traduit du syriaque et daté du neuvième siècle, fut découvert.

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