LE MYTHE GREC DE SATURNE :

CRONOS

Au niveau de la mythologie grecque, Saturne correspond à Cronos, le fils d’Ouranos et de Gaïa, du Ciel et de la Terre. A son sujet, les récits anciens nous rapportent tout d’abord qu’aux temps primitifs, Ouranos (le Ciel) s’unit à Gaïa (la Terre) avec laquelle il eut de nombreux enfants.

Cependant, Ouranos haïssait sa progéniture. En effet, Hésiode nous précise dans sa Théogonie que « c’étaient de terribles fils que ceux qui étaient nés de Gaïa et d’Ouranos, et leur père les avaient en haine depuis le premier jour. A peine étaient-ils nés qu’au lieu de les laisser monter à la lumière il les cachait dans le sein de Gaïa et, tandis qu’Ouranos se complaisait à cette œuvre mauvaise, l’énorme Gaïa en ses profondeurs gémissait, étouffait. ». Convoquant ses enfants, Gaïa leur demanda donc de mettre fin aux œuvres mauvaises de leur père en l’émasculant. S’étant récusés les uns après les autres, il ne resta plus que le cadet, Cronos, dans les mains duquel Gaïa plaça la faucille d’or. A la demande insistante de sa mère, il alla donc castrer son père, mettant ainsi fin à une procréation désordonnée et libérant du même coup ses frères qui avaient été enfermés dans les entrailles de la Terre.

    Or nous retrouvons bien le pouvoir de concrétisation incarné par Saturne. En effet, en émasculant son père, Cronos permit à ses frères de quitter leur état de non manifestation (ils étaient retenus prisonniers dans le sein de leur mère) pour parvenir à un état de pleine expression (Cronos les révéla à la pleine lumière). A un autre niveau, en assumant la tâche que sa mère lui confia, il incarna également une acceptation de son destin et fit preuve d’une excellente capacité à assumer ses responsabilités. Mentionnons encore qu’en mettant fin à une procréation désordonnée, il incarna une certaine rigueur, éliminant toute expression intempestive et chaotique.

    Dans la même perspective, ajoutons que la faux utilisée pour accomplir sa mission a toujours été le symbole du temps.

Dès lors, en émasculant son père, Cronos instaura le règne de l’espace et du temps. Son geste mit donc en exergue l’expérience de l’incarnation. En effet, une réalité ne peut s’épanouir que lorsqu’elle réalise sa forme en accomplissant concrètement son programme de développement. Dans le cas contraire, elle demeure évidemment stérile. Dans cette perspective, l’acte de Cronos fut donc porteur de fécondité puisqu’il limita et fixa de manière définitive les formes de vie se déployant sur la Terre (la prolifération d’enfants fut désormais arrêtée), permettant en outre à ces formes de s’exprimer pleinement.

    Toujours à propos de Cronos, il est intéressant de rajouter que « certains hommes chers aux dieux, ravis à l’existence terrestre sans avoir traversé la mort, habitent des îles de l’Océan, où ils mènent une existence fortunée. Nul ne sait où sont ces Iles des Bienheureux. Le vieux roi Cronos, dépouillé par son fils du sceptre du monde, y préside à la félicité des élus. Là règne un éternel printemps. Les arbres et les eaux resplendissent de fleurs éclatantes. Là, plus de larmes, plus de peines. L’éternité s’écoule en loisirs innocents. ».1 Sur un plan symbolique, ceci évoque la fonction initiatique de Saturne qui, amenant progressivement l’aspirant à se dépouiller de ses valeurs personnelles pour s’ouvrir à des valeurs transpersonnelles (à celles de l’amour), lui permet ainsi de se libérer du monde d’en bas pour accéder aux sphères célestes (admirablement symbolisées dans ce mythe par ces « Iles des Bienheureux » où « règne un éternel printemps »).

1 – Bonnard, André, Les Dieux de la Grèce, op. cit.

   

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