
Pour bien saisir la nature précise de leur intervention, nous devons d’abord insister sur le fait qu’ils sont très étroitement associés à l’archétype incarné par le cercle zodiacal. Or, selon les anciens, le cercle zodiacal permet à l’homme d’accéder à une connaissance de lui-même, mais aussi de la voie particulière sur laquelle Dieu l’invite à cheminer pour qu’il puisse progressivement communier à Sa réalité. Pensons à ce titre au zodiaque célèbre de Marcellus Palingenius, ce Zodiaque de la vie humaine ou Préceptes pour diriger la conduite et les mœurs des hommes, qui décrit l’évolution de l’âme, étape par étape, sur le chemin de l’illumination. Certains hermétistes soulignent d’ailleurs qu’il est constitué de douze signes, un nombre correspondant, dans la tradition kabbalistique, à la lettre LaMeD (la douzième lettre de l’alphabet hébreu). Or nous savons que cette lettre LaMeD est issue d’un ancien idéogramme représentant un aiguillon par lequel les conducteurs de bœufs guidaient autrefois leurs troupeaux, leur indiquant le chemin à suivre et les voies à ne pas emprunter.
Le mot LaMeD [LaMeD–MeM–DaLeTh] lui-même, signifie littéralement instruire, enseigner ou apprendre et c’est pourquoi l’aiguillon était parfois associé dans la tradition hébraïque à l’image du maître (du pasteur) instruisant (aiguillant !) ses disciples (le troupeau) sur le chemin qu’ils devaient suivre pour atteindre leur réalisation. En ce sens, l’Ecclésiaste nous rapporte. que:
« Les paroles du sage sont comme des aiguillons et comme des piquets plantés par les maîtres de troupeaux. ».
Ecclésiaste XII, 11.

Ainsi, pour la tradition orientale, « c’est le vide du moyeu qui la fait tourner (Tao, 11). En ce centre, se tient le Chakra-vartî, celui qui fait tourner la roue. C’est le Bouddha, l’Homme universel, le Souverain. Les anciens rois de Java et d’Anglchor, étaient expressément qualifiés de Chakravartî. Ce moyeu vide est le point d’application de l’Activité céleste. ».
À ce titre d’ailleurs, Ézéchiel nous décrit dans l’une de ces visions, des roues à qui fut donné le nom de galgal.
« À ces roues on donna je l’entendis, le nom de “galgal” ».
-Ézéchiel X, 13.
II nous rapporte qu’elles étaient pleines d’yeux:
« et les rouages sont pleins d’yeux autour de leur quatre rouages ».
-Ézéchiel X, 12
Or, plus que tout autre organe sensoriel, l’œil permet à l’homme d’appréhender la réalité vers laquelle il se tourne. Dans de nombreuses traditions religieuses ou initiatiques, il devint même le symbole de la connaissance divine. Il est alors l’organe de la vision intérieure permettant de contempler Dieu à travers le créé. C’est l’œil du cœur ou de l’esprit, une expression chère à tous les mystiques pour désigner l’outil de perception de la présence divine au sein de Sa création. Le fait que les roues soient couvertes d’yeux évoque donc une capacité à contempler la divinité. Précisons en outre que ces yeux ne se ferment jamais, envoyant ainsi une conscience perpétuelle des réalités divines. Par ailleurs, lorsqu’il est prononcé Gilgal, le mot hébreu (GiMeL–LaMeD–GiMeL–LaMeD) évoque également « un cercle de pierre », comme ceux qui furent érigés sur certains hauts lieux pour rendre hommage au Seigneur. Dans le livre de Josué, Gilgal désigne même ce cercle de pierres qui fut érigé pour commémorer l’intervention divine ayant permis au peuple hébreu de parvenir à la Terre promise:
« Ce fut le dix du premier mois que le peuple remonta du Jourdain et campa à Gilgal, à la limite est de Jéricho. Quant à ces douze pierres qu’on avait prises dans le Jourdain, Josué les érigea à Gilgal… afin que tous les peuples de la terre sachent comme est puissante la main du Seigneur. ».
-Josué IV, 19-20; 24.
Or ce cercle de douze pierres est fort éloquent sur un plan symbolique puisque sa forme géométrique évoque déjà un caractère matriciel. En outre, il s’inscrit dans une dynamique de libération et de réalisation (Josué l’érigea pour rendre grâce à Dieu d’avoir permis à son peuple d’entrer dans la Terre promise). En fait, ce Gilgal évoque l’aptitude de l’homme (en l’occurrence ici de l’Hébreu) à s’ouvrir à Dieu, lui permettant de s’affranchir de son immobilisme mortifère (évoqué par la condition d’esclavage dans lequel se retrouvait le peuple hébreu en Égypte) pour initier en son être un profond processus de transformation intérieure (suggérée par la quête de la Terre promise). En effet, l’érection d’un Gilgal est faite non seulement dan le but de remercier le Seigneur et de commémorer Son intervention, mais aussi pour se rendre plus réceptif à Son action. En ce sens, l’œil associé à la roue évoque la perception de Dieu qui transforme et fait mourir pour Lui ressembler. Dans la tradition judéo-chrétienne, la déification est d’ailleurs très étroitement associée à la vision béatifique qui est essentiellement une vision transformatrice. Dès lors, les Chérubins nous enseignent à nous ouvrir à Dieu en étant attentif à ses signes, le Gilgal exprimant une volonté de L’accueillir pour qu’Il transforme le monde. Dans le même ordre d’idées, les textes védiques nous présentent la rotation permanente de la roue comme processus de renouvellement, un cycle transformateur. La roue des saisons, dans la métaphysique occidentale, le confirme d’ailleurs. Or la science chrétienne est toujours issue de la contemplation. Dans cette perspective, la roue devint l’emblème privilégié de sainte Catherine, la savante d’Égypte, patronne des philosophes au sens où Platon définissait la philosophie comme une contemplation des idées. Pensons enfin à la croix celte si fréquente dans les cimetières irlandais.

Cette croix traditionnelle comporte toujours un cercle à la croisée des axes vertical et horizontal. Or la mythologie celtique nous apprend que la roue est transformante. Plus encore, il existe une roue, celle du druide Mag Ruith, confectionnée avec l’if, un bois funéraire. Son apparition doit en principe marquer le début de l’apocalypse.
En effet, ceux qui la verront, nous apprend la légende, deviendront aveugles, ceux qui l’entendront deviendront sourds et ceux qui la toucheront mourront. Cela ne fait-il pas admirablement écho à la vision transformatrice dont les Galgalim sont l’incarnation ? Serait-ce cette roue qui apparaît avec le Christ en croix, celui qui permet que nous puissions contempler Dieu et qui nous introduit dans l’âge de l’Apocalypse ? Dans la’ même perspective, soulignons que la racine(GiMeL–LaMeD–GiMeL–LaMeD) forme également le mot Golgotha (GiMeL–LaMeD–GiMeL–LaMeD–TaV) désignant le lieu où le Christ fut crucifié. Or par sa mort sur la Croix, Il permit aux hommes de connaître la réalité divine, instituant en leur être une profonde alchimie devant les conduire progressivement à leur accomplissement. C’est d’ailleurs ce qu’il déclara lui-même à ses disciples:
« C’est votre intérêt que je parte; car si je ne pars, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l’enverrai. […I Et quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. Lui me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous le dévoilera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le dévoilera. ».
-Jean XVI, 7; 13-15
Ainsi donc, les Chérubins ou Galgalim éveillent fondamentalement en nous une ouverture à Dieu et une faculté à L’accueillir en notre coeur, accédant ainsi à Sa connaissance et à la transformation qui en découle. Ajoutons qu’ils possèdent également, comme les autres êtres angéliques, des qualités secondaires et c’est pourquoi les hermétistes en reconnaissent huit catégories assimilées traditionnellement à huit génies.
En voici un tableau synthèse:
LES OPHANIM-GALGALIM | LES CHERUBINS | PLANETES |
HaZaY | HAZIEL | URANUS |
ALaD | ALADIAH | SATURNE |
LAV | LAUVUEL | JUPITER |
HaHÂ | HAHAIAH | MARS |
YeZaL | YEZALEL | SOLEIL |
MaBaH | MEBAHEL | VENUS |
HeRY | HARIEL | MERCURE |
HeQaM | HEKAMIAH | LUNE |
Plus encore, chacun de ces Chérubins est en rapport étroit avec l’un des charismes recensés par la scolastique ancienne et dont saint Paul énumérait déjà, en son temps, une liste (non exhaustive):
« Il y a, certes, diversités de dons spirituels, mais c’est le même Esprit; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun. À l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit; à tel autre la foi, dans le même Esprit; à tel autre les dons de guérison, dans l’unique Esprit; à tel autre la puissance d’opérer des miracles; à tel autre la prophétie; à tel autre le discernement des esprits; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. ».
– 1 Corinthiens XII, 4-10.
En voici un tableau synthèse:
LES OPHANIM-GALGALIM | LES CHERUBINS | LEURS CHARISMES |
HaZaY | HAZIEL | LA FORCE DU CHARISME |
ALaD | ALADIAH | LE CHARISME D’INTERPRETATION |
LAV | LAUVUEL | LE CHARISME DE GUERISON |
HaHÂ | HAHAIAH | LE CHARISME DES PRODIGES |
YeZaL | YEZALEL | LE CHARISME DE PERSUASION |
MaBaH | MEBAHEL | LE DISCERNEMENT DES ESPRITS |
HeRY | HARIEL | LE CHARISME DES LANGUES |
HeQaM | HEKAMIAH | LE CHARISME DE PROPHETIE |