LE MYTHE GREC DU TAUREAU

A la mort d’un roi de Crète, Astérios, la mythologie nous apprend que ses trois fils se querellèrent pour la succession au Trône. Pour faire valoir ses droits, l’aîné d’entre eux, Minos, réclama alors le soutien du dieu Poséidon. Or ce dernier le lui accorda en faisant sortir des flots un superbe taureau blanc.

Toutefois, Minos devait immoler ce taureau après son accession au trône. Trouvant l’animal superbe, il s’y attacha cependant à tel point qu’il décida de le garder pour lui, s’empressant d’oublier le pacte qu’il avait fait avec Poséidon. Courroucé, le dieu inspira alors à son épouse, Pasiphaé, une passion contre nature. La souveraine tomba donc follement amoureuse du taureau et, de leur union, naquit un monstre, le Minotaure, qui devint rapidement un fléau pour toute l’île de Crète. Minos le fit donc enfermer dans le labyrinthe de Cnossos où les Grecs (que le roi avait vaincus) devaient sacrifier périodiquement sept jeunes hommes et sept jeunes filles de manière à le sustenter.

    Sur un plan symbolique, le superbe taureau blanc offert par le dieu de la mer représente le plan matériel dans sa dimension sacrée, c’est-à-dire en tant qu’expression de la divinité. En effet, le taureau a toujours été étroitement associé au plan terrestre. En outre, en tant que symbole de pureté, le blanc évoque les réalités divines. Ainsi, dans la plupart des traditions antiques, les animaux blancs étaient destinés aux êtres célestes (les noirs étant consacrés à ceux des Enfers). Quant à Minos, il symbolise l’homme dont l’accomplissement n’est possible que s’il s’incarne pleinement tout en conservant sa pureté (cette incarnation parfaite étant représentée par le taureau blanc). C’est pourquoi Poséidon offrit un taureau blanc à Minos afin qu’il puisse être roi en rayonnant pleinement ses valeurs profondes.

    Toutefois, subjugué par la belle apparence de l’animal, Minos refusa de le lui sacrifier et le conserva jalousement pour lui. Sur un plan symbolique, cette attitude du souverain incarne le comportement de l’individu qui cesse de percevoir l’origine divine du plan matériel et oublie que celui-ci existe pour glorifier l’esprit (ce qu’évoque le symbolisme du sacrifice). Ainsi, ce passage de la mythologie évoque le moment où nous succombons à nos pulsions égocentriques, chosifiant la matière (le taureau est réduit à sa seule apparence extérieure) et cherchant à nous l’approprier en l’assujettissant à notre propre pouvoir.

    Le récit se poursuit cependant en relatant l’étrange passion qui anima alors Pasiphaé, l’épouse de Minos. Pour comprendre cet épisode, il importe de préciser que cette femme évoque ici la personnalité du nouveau roi. Dès lors, son étrange passion est un symbole des désirs pervers qui animent l’âme de celui qui nie toute dimension sacrée à la matière. Mûe par ses désirs pervers, notre personnalité se place dès lors dans un faux rapport avec le plan terrestre et, de cette relation adultère, naît le Minotaure. Il incarne, pour sa part, toutes les pulsions destructrices et dévastatrices animant celui qui, chosifiant la matière, la pille allègrement et sans scrupule pour ses propres besoins. Dans cette perspective, il incarne la cupidité insatiable, la brutalité et la sauvagerie.

   Or le récit nous précise que Minos dut enfermer le Minotaure dans un labyrinthe. En d’autres termes, face à ces pulsions destructrices apparemment incontrôlables, il tenta de les réprimer tout au fond de lui (ce qu’évoque l’image du labyrinthe dans lequel il enferma le monstre). Plus encore, afin de les tempérer, il dut alors leur sacrifier régulièrement les meilleurs aspects de ce qu’il avait su conquérir (le sacrifice des jeunes gens soumis à son autorité).