LE MYTHE GREC DU CANCER :

     

La mythologie nous rapporte qu’Eurynomé, émergeant nue du Chaos, sépara originellement le ciel de la terre. Puis, elle dansa sur les vagues de la mer car il lui fallait bien poser les pieds quelque part. Prenant ensuite tendrement entre ses mains le vent du Nord, elle le caressa et fit ainsi apparaître un grand serpent nommé Ophion. Dansant lascivement devant lui, elle lui inspira rapidement un tel désir qu’il l’enlaça fortement et la féconda. A la suite de cette fécondation, Eurynomé pondit un œuf, l’œuf universel, et Ophion s’enroula sept fois autour de lui en le couvant jusqu’à son éclosion.

 A ce moment, la mythologie nous précise qu’il en sortit tout ce qui existe. Cependant, Ophion se vanta d’être le seul créateur de l’univers, déclenchant chez la belle Eurynomé une grande fureur. Elle lui écrasa donc la tête de son talon, lui brisant les dents et l’exilant à tout jamais dans les tréfonds de la terre.

     Au niveau symbolique, Eurynomé représente la puissance de coagulation et de densification associée à la dimension matérielle. En effet, c’est elle qui permit aux forces du vent de s’incarner sous une forme concrète évoquée par le serpent. Plus encore, elle assura la mise en place d’un processus de différenciation (ce que nous confirme le fait qu’elle sépara, sitôt apparue, le ciel de la terre). Le fait qu’elle était nue nous enseigne également que cette force était parfaitement pure et transparente. De plus, le récit nous rapporte qu’elle dansait sur les vagues de l’océan. Or la danse implique une chorégraphie mettant en forme le mouvement. En d’autres termes, elle permit alors à la matière première (symbolisée par les vagues de l’océan) de s’organiser et de se structurer selon les lois divines (dont la création est porteuse).

     Quant au vent, il représentait la puissance divine. Plus précisément encore, nous savons qu’il provenait du nord. Or le nord était, pour les Grecs, la demeure des dieux civilisateurs. En effet, ils croyaient en l’existence d’un peuple (les Hyperboréens) qui, habitant au septentrion extrême, était en contact direct avec les réalités divines. Cette région était donc considérée par eux comme un lieu où résidaient les forces de la vie. Dès lors, en provenant du nord, le vent capté par Eurynomé était non seulement un messager de Dieu, mais également un vecteur de la puissance spirituelle (de la force vitale). Ainsi, en le prenant entre ses mains, Eurynomé devint une force de coagulation s’ouvrant à l’Esprit et l’accueillant pleinement. Par cet acte, l’âme universelle, incarnée par le serpent Ophion, fut donc engendrée. En effet, nous savons que l’âme résulte de l’union de l’Esprit (du Vent du nord) et de la matière (Eurynomée).

     A la lumière de ce qui précède, Ophion représente donc la conscience (l’âme) issue de la dimension spirituelle et de sa contrepartie corporelle. Eurynomé, dansant devant lui et le séduisant, évoque, quant à elle, l’attrait irrésistible que le plan matériel exerce sur la conscience. Or il en résulta une puissante force créatrice. En effet, fécondée par Ophion, Eurynomé pondit un œuf et le grand serpent s’enroula autour de lui. C’est ainsi cependant que l’âme (représentée par Ophion) se plaça dans une attitude d’appropriation vis-à-vis du monde, cessant dès lors de reconnaître le fait qu’elle était simplement issu de la coagulation du vent. Elle crut même être le créateur lui-même, revendiquant la paternité de la création tout entière. De cette manière, elle devint l’incarnation de l’ego.

     Eurynomé se rebella donc contre Ophion. En d’autres termes, les forces coagulantes responsables de l’incarnation se retournèrent contre lui, le réduisant à l’impuissance. L’ego, ainsi cristallisé, perdit en effet toute capacité à être habité par les forces de l’esprit (évoquées par la tête, le principe directeur) et à être fécond (les dents incarnant la vitalité).