ANALYSE KABBALISTIQUE DE :

Le nom du Séraphin AKA (YaH) est constitué d’un radical composé des  lettres ALePh, KaPh et ALePh qui ne forment entre elles aucun mot hébreu significatif. Pour cerner l’enjeu propre à ce Séraphin, nous devrons donc focaliser notre étude sur l’analyse  symbolique des lettres présentes au sein du radical à l’origine de son nom. Or nous savons  que la lettre ALePh est issue d’ancien idéogramme représentant une tête de taureau. Quant à la lettre KaPh, elle est issue d’un ancien idéogramme représentant la paume d’une main en tant que creux. Voyons donc ce que nous pouvons tirer de la juxtaposition de ces entités symboliques.

En ce qui concerne la lettre ALePh, elle  se réfère d’abord à l’image du taureau qui, nous le savons, incarne dans la tradition hébraïque, le père du troupeau en tant que chef :et géniteur. En effet, Louis  Charbonneau-Lassay nous précise:

« il n’est pas seulement, disent les   anciens docteurs, le chef du troupeau, il en est aussi l’époux et le père; il y fait naître la joie, l’amour, et, par là-même, la vie;  il assure ainsi la perpétuité de l’espèce et la multiplication du troupeau. ».

– Charbonneau-Lassay, louis, Le Bestiaire du Christ. op. cit.

À ce titre, l’association entre le taureau et la puissance fécondante n’est pas une particularité de la tradition hébraïque puisque nous la retrouvons dans la plupart des civilisations anciennes. En Égypte pharaonique, par exemple, un hiéroglyphe à l’effigie du taureau était utilisé pour signifier « fécondateur » et les Égyptiens vénéraient un taureau sacré, le dieu Apis, en tant qu’emblème de la fertilité inépuisable de la nature. Quant à la mythologie grecque, elle nous présente le taureau comme un animal consacré à Dionysos. Or ce dieu, génie de la sève et du renouveau printanier, incarnait précisément les forces de la fécondité. Au cours des grandes cérémonies religieuses qui lui étaient consacrées chaque année au printemps, un phallus, symbole de la fertilité, était d’ailleurs porté en procession afin de stimuler la fécondité des terres, des troupeaux et des hommes. Mentionnons enfin qu’une ancienne coutume indienne préconisait aux jeunes épouses de s’assoir sur une peau de taureau pendant que leur Mari  les touchaient en disant: « Que le Maître des créatures nous accorde d’avoir des enfants. ». Associée au taureau, la lettre ALePh incarne donc l’ensemble de ces aspects symboliques. Elle représente donc  pour les kabbalistes la puissance de l’Esprit en tant que force créatrice primordiale, à la fois fécondante et vivifiante.

Quant à la lettre Kaph, elle est issue, nous venons de le préciser, d’un ancien idéogramme représentant une main ouverte, le mot KaPh (KaPhPhe) désignant d’ailleurs lui-même le creux ou, plus précisément, la paume de la main en tant que creux. Or cette forme évoqué tout naturellement une attitude d’accueil, l’homme se disposant à recevoir quelque chose: En outre, la main ouverte, placée dans une attitude de réception, est tournée vers le ciel qui, par son immensité et son inaccessibilité, a toujours été considéré comme le lieu où demeurent les dieux et duquel provient toute grâce. La main Ouverte tournée vers le ciel évoque donc une capacité à se placer dans une attitude de réceptivité et d’accueil vis-à-vis de Dieu. C’est  d’ailleurs en, ces termes que Çophar de Naamat s’adresse à Job souffrant:

« Allons, redresse tes pensées, tends tes paumes vers lui [Dieu] !… Ton malheur, tu if y songeras plus, il laissera le souvenir des eaux qui passent. ».

– Job XI, 13; 16.

Plus encore, la main en position ouverte tournée vers le ciel évoque également une  notion de don. En effet, elle n’est pas alors dans une  attitude de possession, mais d’offrande. Dans cette perspective, ouvrir la main, c’est lâcher prise et la tendre vers l’autre pour donner. Si la lettre KaPh incarne un processus par lequel nous nous plaçons dans une attitude d’accueil vis-à-vis de Dieu, nous ne gardons donc pas pour nous  ce que nous recevons, mais le plaçons à la disposition des autres.   Dès lors, lorsque le KaPh mobilise l’ALePh, il évoqué un processus    par lequel nous nous place dans une attitude d’accueil face à  Dieu(KaPh) et, plus précisément encore  vis-à-vis de Sa grâce fécondante  (ALePh) qui n’est autre que l’Amour,  recevant cet Amour que nous ne conservons pas pour nous-mêmes en le plaçant immédiatement à la disposition des autres. Considérant l’enjeu propre aux Séraphins, nous pouvons donc en déduire qu’AKA (YaH) nous  amènera à nous ouvrir à Dieu (KaPh) pour  recevoir sa puissance fécondante (ALePh) et l’offrir à l’autre. En d’autres termes, il nous amènera à placer notre rapport à l’autre dans une dynamique amoureuse (la relation à l’autre étant exclusivement perçue comme l’occasion de donner  ce qu’on a reçu), permettant ainsi à l’amour de se manifester pleinement au sein du créé. À ce titre d’ailleurs, ce Séraphin nous enseigne également que l’amour ne peut jamais être gardé et conservé pour soi. Dans un tel cas, il disparaîtrait en effet, l’Amour ne s’épanouissant que l’échange (dans l’accueil et le don).