Pour bien saisir la nature précise du chœur des Malakim, nous devons d’abord insister sur le fait qu’elles sont très étroitement associées à l’archétype incarné par le Soleil. Or cet astre évoque à la fois un processus d’identification à la dimension principielle de l’être et son rayonnement plénier permettant à toute réalité d’être une avec elle-même, exprimant dès lors, de manière authentique, la nature et les valeurs dont elle est porteuse (celles qui s’enracinent dans la dimension intérieure). Nous pouvons donc en déduire que les Malakim favorisent le développement de notre capacité à nous centrer sur notre essence profonde, afin de la découvrir pour ensuite la rayonner et l’exprimer tout autour de Nous.
Pour mieux approcher ce chœur angélique, il est évidemment très intéressant de considérer le nom hébreu employé par les kabbalistes pour le désigner. En effet, il s’agit du mot Malakim signifiant « les rois ». Or tout roi incarne d’abord un état de réalisation et d’accomplissement. En outre, les rois rayonnent pleinement ce dont ils sont porteurs et ils intègrent la communauté sur laquelle ils gouvernent (ils disent « nous »), récapitulant en quelque sorte le royaume dont ils sont à la fois la synthèse et le centre. Les rois furent d’ailleurs toujours considérés comme les garants de l’unité de leur royaume. À titre d’exemple, tout changement au trône prenait, dans le monde pharaonique, une signification cosmique. Ainsi,
« Si à la mort d’un roi, le chaos menace l’ordre de l’univers, l’avènement de Pharaon renouvelle la création originelle, rétablit l’équilibre de la nature. ».
– Posener G., (en collaboration avec Serge Sauneron et Jean Yoyotte), Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Paris, 1959.
« Le même schéma se retrouve, sous une forme plus mythologique que métaphysique, dans la royauté suprême de l’Irlande ancienne : revêtu d’un pouvoir sacerdotal particulier, le Haut Roi siégeait à Tara, la capitale spirituelle d’un royaume plus symbolique que réel (royaume de Mide ou de Meath qui représentait le centre), et coiffait les quatre rois du Connaught, de l’Ulster, du Leinster et du Munster dont il exprimait de la sorte l’unité profonde des territoires. En principe revêtu de sagesse, doué d’un bon jugement, et législateur par fonction, ce Haut Roi était celui qui devait faire régner l’harmonie, la paix et la richesse sur l’ensemble de l’île. ».
– Encyclopédie des symboles, op. cit.
Dans cette perspective, les Malakim nous amènent donc à assumer notre royauté en rayonnant pleinement ce que nous portons au plus profond de nous-mêmes et en exerçant une fonction de rassembleur, orientant toutes les réalités créées autour de nous, afin que le multiple s’articule autour de l’Unité. Évidemment, cette fonction royale exige d’abord, de la part du souverain, qu’il ait su, sur un plan intérieur, rassembler en lui-même les multiples facettes de sa personnalité autour de son esprit (de son essence profonde). En exerçant notre fonction de rassembleur, nous devenons donc le vecteur d’une puissance que nous pouvons rayonner tout autour de nous sous forme de multiples grâces reçues d’en haut. Ajoutons que la racine מלכ (MeM – LaMeD – KaPh), lorsqu’elle est prononcée molek, devient une déformation injurieuse de mèlèk, une déformation à l’origine du terme moloch employé dans la traduction des Septante et repris dans celle de la Vulgate.
En effet, « en hébreu, les auteurs sacrés vocalisent la racine royale מלכ (MeM – LaMeD – KaPh) avec les voyelles du mot hochet, « honte« , qui désigne couramment une fausse divinité ou l’une de ses idoles. De toutes, Molek est la plus monstrueuse. Son culte « exigeait » des sacrifices humains dont les victimes habituelles étaient des enfants qu’on brûlait vifs et notamment, à Jérusalem même, sur le haut lieu appelé Tophet, situé dans la vallée de Ben-Hinnom : la Géhenne. Les sinistres chaudrons sacrificatoires surmontés de la statue du dieu cruel finirent par envahir toute la vallée, et leur usage devint à certaine période si ordinaire que naquirent pour le mentionner des expressions familières allant jusqu’au pléonastique : « brûler par le feu« . On trouve ainsi : « faire passer par le feu« , « faire passer à Molek« , « livrer à Molek« , « faire passer le feu à Molek » ou, plus sobrement, « livrer en faisant passer« . Sur une telle lancée, on brûlait d’ailleurs aussi « par le feu » en l’honneur de Baal ou de tout autre faux dieu. « La Loi condamnait naturellement ces actes d’idolâtrie particulièrement odieux qui « profanaient le nom du Seigneur » et « souillaient son sanctuaire » alors que les sacrifices humains avaient été réprouvés depuis longtemps. Des rois impies de Juda et de l’Israël du Nord se rendirent pourtant eux-mêmes coupables de tels crimes : Achaz et Manassé à Jérusalem ; Osée en Samarie. Josias de Juda saccagea les hauts lieux de ce culte abominable qu’avait favorisé Salomon en personne, lorsque, sur la fin de sa vie, ses femmes étrangères le détournaient vers leurs propres folies idolâtres : le Milkom qu’elles vénéraient n’est autre que ce Molek, identifié à « l’ordure des fils d’Ammon« . ».
– Gérard, André-Marie, Dictionnaire de la Bible, Robert Laffont, Paris, 1989.
En fait, ce Molek ou Moloch est l’antithèse du roi, incarnant l’ego qui cherche à tout centrer sur lui-même dans une perspective d’emprise et d’assujettissement, dissipant les ressources de l’être (symbolisées par les enfants que l’on sacrifie) pour satisfaire ses pulsions instinctuelles.
C’est le mauvais roi, le roi despotique et dictateur qui asservit toute réalité pour satisfaire sa soif insatiable de pouvoir, de valoir ou d’avoir. Il ne rayonne donc pas, mais il dépossède. Or c’est une attitude contre laquelle les Malakim nous aident bien évidemment à lutter vigoureusement.