LE DIEU ARÈS

Dans la mythologie grecque, Mars correspond au dieu Arès, le dieu de la guerre. « Tantôt, armé d’une longue pique dont il perçait les plus épais boucliers, il s’avançait comme un géant aux grands pas, en poussant une clameur pareille à celle que pourraient faire entendre neuf ou dix mille redoutables guerriers. Tantôt, monté sur un char aux rênes d’or, traîné par des coursiers fougueux comme le vent des tempêtes, il disloquait les rangs serrés des combattants, faisait voler en éclat les chars sonores de la guerre, et abattait les murailles qui protégeaient les villes.
– Meunier, Mario. La Légende Dorée des dieux et des héros, op. cit.
Sur un plan symbolique, ces « épais boucliers », ces « rangs serrés des combattants » et ces « murailles qui protégeaient les villes » représentent évidemment les cristallisations que l’ego s’est forgé tout au cours de son existence pour ainsi répondre aux assauts de la vie. Tout ceci le retient cependant prisonnier. La formidable énergie incarnée par Arès lui permettra donc de pulvériser ces cristallisations en l’incitant à s’engager à nouveau, et plus fougueusement encore, dans les multiples expériences qui se présentent à lui.
De même, si Arès renverse tout sur son passage, c’est aussi pour nous rappeler qu’il est vain de nous attacher aux formes matérielles qui nous entourent: nous risquerions alors de nous y enliser. En ce sens, il nous enseigne que nous devons être un passant sachant trouver dans la matière (et toutes les oppositions qu’elle lui présente) l’occasion d’expérimenter et d’affermir les valeurs que nous portons au plus profond de nous-mêmes. Toutefois, nous devrons éviter de nous attacher aux formes illusoires et éphémères du monde, caractérisé par une mouvance perpétuelle (en effet, ceci nos entraînerait à un éparpillement de nos énergies dynamiques et à une vaste errance).
En outre, la mythologie nous rapporte qu’Arès s’éprit un jour d’Aphrodite. Héphestos, son époux, voulut donc se venger et fabriqua un réseau de fils métalliques, plus fins que ceux de l’araignée, le disposant au-dessus du lit où les amants venaient s’ébattre. « A peine les amoureux couchés, le piège se déclenche : le filet, du plafond, descend sur eux et les enserre. Ils ne peuvent ni sortir du lit, ni même remuer bras et jambe. Alors dans tout l’Olympe, Héphestos, à grands cris, invite les dieux à contempler son déshonneur. […] Ils (les dieux) éclatent d’un rire moqueur en voyant Arès et Aphrodite s’être ainsi laissé prendre. Hermès énonce alors à haute voix la pensée d’Arès: « Ces liens sur mes membres et trois fois plus inextricables, et tout l’Olympe en chœur riant autour de moi ne paieraient pas trop cher le plaisir d’être dans ce lit et de tenir dans mes bras ce beau corps !… ». Les dieux l’entendent, leur rire monte plus haut. Est-il si ridicule, le beau soudard aimé ? Ils ne rient plus de lui. Ils rient de joie, pensant au plaisir de l’amour. ».- Bonnard, André, Les Dieux de la Grèce, op. cit.
Sur un plan symbolique, cette légende illustre bien la sublimation de l’énergie dynamique (incarnée par Arès) sous l’effet de l’amour (symbolisé par Aphrodite). En effet, se laissant prendre au piège de l’amour, Arès s’assagit et perdit cette fougue qui l’incitait à s’extérioriser violemment (il ne peut plus bouger ni le bras ni la jambe) pour se tourner vers des valeurs plus intérieures (l’amour qu’il tient entre ses bras). Devant l’amour, dit-on, l’être perd tous ses moyens… En fait, ce récit nous enseigne que seul l’amour peut esthétiser le pouvoir d’action en le rendant docile aux valeurs de l’esprit.