Le nom de la Domination NeThaH (YaH) est constitué d’un radical composé des lettres NoUN, TaV et He à partir desquelles nous pouvons former le mot tanah ( TaV–NoUN–He) qui désigne la femelle du chacal. Nous pouvons également constituer le mot nèhènetan (NoUN–He–NoUN–TaV–NoUN) signifiant « jouisseur », le mot nèhènetanout (NoUN–He–NoUN–TaV–NoUN–VaV–TaV)désignant la « jouissance » ou la « volupté » ainsi que le verbe hitehanah (He–TaV–He–NoUN–He) signifiant « jouir » ou « profiter ». D’autre part, à partir des lettres NoUN et He, nous pouvons former les mots hinah (He–NoUN–He) signifiant « procurer du plaisir (ou un avantage) à » et héhénah (He–He–NoUN–He) signifiant « faire profiter » ou « faire bénéficier ». Quant à la particule YaH, elle place ce radical dans une perspective de relation à Dieu. Pour saisir la signification profonde du nom composé à partir de ce radical, nous devrons donc nous interroger sur le sens de ces différents mots.
À propos tout d’abord du chacal, il importe de préciser que cet animal évoque, en raison de sa capacité à se nourrir de charognes et à vivre dans des contrées désolées et arides, une aptitude à faire de toute réalité placée sous l’emprise de la mort une matrice propice à la vie. Les anciens Égyptiens avaient d’ailleurs fort bien reconnu cela puisqu’ils avaient fait de cet animal l’incarnation de leur dieu Anubis, celui-là même à qui ils livraient le corps des défunts (une réalité placée sous l’emprise des forces de la mort) pour qu’il soit alchimisé, devenant à nouveau un lieu propice à l’expression de la vie. Éclairés par ce symbolisme, nous comprenons mieux pourquoi l’ennemi du peuple d’Israël est fréquemment livré au chacal dans la tradition biblique comme en témoignent ces mots du psalmiste:
« Mais ceux qui poussent mon âme à sa perte, qu’ils descendent au profond de la terre ! Qu’on les livre au tranchant de l’épée, qu’ils deviennent la part des chacals ! ».
– Psaume 63 (62), 10-11.
En effet, l’ennemi d’Israël (figure de Satan) incarne précisément ces puissances mortifères contre lesquelles lutte le chacal, replaçant ainsi la réalité en rapport étroit avec les forces de la vie.
Mentionnons cependant que le mot tanah ne désigne pas le chacal en tant que tel (tan), mais sa femelle. Or la femelle d’une espèce incarne toujours une dimension davantage réceptive, c’est-à-dire ayant une disposition particulière d’écoute et d’accueil. Plus encore, spontanément tournée vers le mâle (évoquant traditionnellement les réalités de l’esprit), la femelle évoque généralement une aptitude à se placer dans une disposition d’écoute face à la dimension intérieure du monde qui l’entoure. Or nous savons que c’est au sein de cette dimension intérieure (celle de l’esprit), à la racine même de toute réalité, que se manifeste la présence immanente de Dieu à laquelle fait référence la tradition biblique lorsqu’elle désigne Dieu sous le nom d’Elohim.
Dans cette perspective, la femelle du chacal incarne donc chez nous une aptitude à nous placer à l’écoute de la dimension intérieure des réalités qui nous entourent et conséquemment à nous rendre pleinement réceptifs à la présence immanente de Dieu qui renouvelle à chaque instant les ressources de la création par son souffle vivificateur (accédant tout naturellement à une expérience d’abondance et de bien-être, échappant conséquemment à tout état de carence, de pauvreté et de misère).
Pour mieux comprendre encore l’enseignement évoqué par la femelle du chacal, rappelons qu’au cours de l’événement de la Chute, l’homme se détourna de Dieu et se ferma conséquemment à Sa présence. Dès lors, il perçut le plan matériel exclusivement à travers son apparence extérieure, une dimension singulièrement pauvre et limitée. Il ne tarda donc pas à éprouver un grand sentiment de vulnérabilité face à la finitude de ce monde dont il croyait entièrement dépendre pour son existence. À l’inverse, la Domination NeThaH (YaH) nous apprendra à nouveau à nous ouvrir à la présence immanente de Dieu en découvrant que les ressources de chaque chose sont prodigieuses, étant vivifiées par le souffle du Créateur. En ce sens, elle nous amènera évidemment à faire l’expérience d’une extraordinaire jouissance et d’une grande volupté (ce que nous rappellent de manière éloquente les mots nèhènetan signifiant « jouisseur », nèhènetanout désignant « la jouissance » et « la volupté » ainsi que le verbe hitehanah signifiant « jouir » ou « profiter »).
À un autre niveau, la Domination NeThaH (YaH) nous sensibilisera également au caractère éminemment sacré de la matière, nous invitant à la considérer dans son rapport étroit avec le Créateur; la reconnaissant dès lors comme une œuvre divine qui réfléchit
« comme en un miroir, la gloire du Seigneur ».
2 Corinthiens III, 18.
En d’autres termes, NeThaH (YaH) nous conduira à exalter la divinité au cœur même de la création. En ce sens, elle nous incitera à faire l’expérience de la joie, de l’abondance et de la richesse face au jaillissement perpétuellement renouvelé de la puissance divine, celle-ci illuminant, vivifiant et épanouissant le créé jusqu’à la plénitude de sa mesure. Elle nous amènera de même à rétablir la matière dans sa vocation première: celle d’être une terre de délices où toutes les réalités incarnent la fécondité divine à laquelle elles participent. Dans la tradition hébraïque, cet état correspond à la Terre promise,
« ce pays où ruissellent le lait et le miel ».
– Exode III, 8.
Dans la tradition chrétienne, il est associé à la Jérusalem céleste, une terre où coule
« un fleuve de Vie, limpide comme du cristal »
– Apocalypse XXII, 1.
et où
« des arbres de Vie fructifient douze fois, une fois chaque mois. ».
– Apocalypse XXII, 2.
Cette formidable fécondité suppose évidemment un rapport de communion intime entre Dieu et Sa création. Les Hébreux et les chrétiens ne s’y trompent d’ailleurs pas puisque, pour les premiers, la Terre promise est avant tout une terre d’alliance entre Dieu et les hommes:
« Écoutez ma voix et conformez-vous à tout ce que je vous ordonne; alors vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu, pour accomplir le serment que j’ai fait à vos pères, de leur donner une terre qui ruisselle de lait et de miel. ».
– Jérémie XI, 4-5.
Quant aux seconds, ils considèrent la Jérusalem céleste comme une jeune mariée s’unissant à son époux. En effet,
« elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. ».
– Apocalypse XXI, 2. 15
Et l’auteur de l’Apocalypse nous précise encore:
« Voici la demeure de Dieu avec les hommes. ».
– Apocalypse XXI, 3.