Le nom du Séraphin YéLI (EL) est constitué d’un radical composé des lettres. Yod, Lamed et Yod qui ne forment entre elles aucun mot hébreu significatif. Pour cerner l’enjeu propre à ce Séraphin, nous devrons donc à nouveau focaliser toute notre attention sur l’analyse symbolique des lettres présentes au sein de ce radical. Or nous savons que la lettre Yod est issue d’un ancien idéogramme représentant un bras prolongé par une main. Quant à la lettre Lamed, elle est ‘issue d’un ancien idéogramme représentant un aiguillon par lequel les conducteurs de bœufs guidaient autrefois leurs troupeaux, leur indiquant ainsi le chemin à suivre et les voies à ne pas emprunter. Voyons donc ce que nous pouvons tirer de la juxtaposition de ces entités symboliques. En ce qui concerne tout d’abord la lettre Yod, elle se réfère à l’idée d’une main, d’autant plus que la main s’écrit Yad (Yod–Daleth), un terme très proche du mot Yod (Yod–Vav–Daleth). Or le mot hébreu Yad évoque également la force et la puissance. La main a d’ailleurs toujours été un symbole privilégié pour évoquer la puissance comme nous l’avons fréquemment rappelé. Dans cette perspective, elle évoque évidemment la puissance divine qui vient à notre rencontre tant pour nous affermir dans ce que nous sommes que pour nous transformer.
Quant à la lettre Lamed, son nom [Lamed–Mem–Daleth] signifie littéralement instruire, enseigner ou apprendre. Plus encore, l’aiguillon (correspondant à l’ancien idéogramme dont la lettre est issue) fut souvent associé, dans la tradition hébraïque, à l’image du maître (du pasteur) instruisant (aiguillant !) ses disciples (le troupeau) sur le chemin les amenant à atteindre leur pleine réalisation. Ainsi, l’Ecclésiaste nous rapporte que:
« Les paroles du sage sont comme des aiguillons et » comme des piquets à plantés par les maîtres de troupeaux. ».
Ecclésiaste XII, 11.
L’aiguillon est donc traditionnellement un outil associé à la fonction de guide et devient le moyen privilégié pour nous conduire sur la voie de son accomplissement. Des lois, lorsque le Yod mobilise le Lamed, il évoque un processus par lequel, renonçant à toute volonté de puissance égoïque (exclusivement centrée sur une quête de valoir, de pouvoir ou d’avoir) nous nous plaçons désormais dans la dynamique de notre vocation profonde (Lamed). De manière plus précise, il évoque un processus de lâcher-prise par lequel nous renonçons à nos propres aspirations égoïques pour désormais nous laisser guider par Dieu. Or nous laisser guider par Dieu consiste à suivre les lois et les préceptes qu’il nous enseigne, à assumer les limites dans lesquelles Il nous a établis et à marcher sur le sentier où il nous invite. En ce sens, le Séraphin YéLI (EL) nous amène à nous laisser guider par la puissance des deux mains divines, celle qui soutient et celle qui transforme en nous plaçant évidemment au service de l’amour. Il l’exhorte ainsi à ne plus disposer de notre temps et de la situation que nous occupons pour accomplir des œuvres vaines (satisfaisant les revendications de notre ego en quête de pouvoir, d’avoir et de valoir), mais pour servir l’amour,
En d’autres termes, le Séraphin YéLI (EL) nous invite à consacrer notre temps à l’être aimé.
Dans une perspective plus mystique, il nous invitera donc à consacrer notre temps à Dieu. Ainsi, « le temps de l’oraison doit être considéré comme une mort, comme un don, le temps donné. Il faut mourir à notre égoïsme. Si vraiment nous n’avons rien à donner à Dieu, disons-lui: je te donne du temps, je perds le temps, il est pour toi. » Car Dieu mérite bien que nous lui donnions du temps. Et que voulez-vous lui donner de plus foncier ? Le temps est la trame même de l’existence. Toute notre activité est brodée en quelque sorte sur la trame même du temps, je donne le temps, je meurs à cette activité brodée sur la trame du temps. À certains jours, nos soucis sont tels que nous avons beaucoup de peine à parler à Dieu. La question n’est pas tellement de lui parler; à la base, elle est de donner du temps. Vous venez ici pour donner du temps à Dieu. Ce don du temps, il faut le renouveler au début de chaque oraison. On peut dire à Dieu: « Si vraiment je n’ai aucune joie sensible à être en contact intime avec toi, il y a au moins ce fait que l’essentiel y est; le temps est donné. » »
Varillon, François, Vivre le Christianisme, Bayard Éditions / Centurion. Paris 1992
Ces propos peuvent évidemment s’inscrire tout autant dans le cadre d’une relation horizontale à l’être aimé.